vendredi 10 juin 2011

A la Commission d'application des normes



La Commission de l’application des Normes fait partie des mécanismes destinés à faire respecter les Conventions de l’OIT, autrement dit les normes internationales du travail. Les Etats qui ratifient une Convention s’engagent à faire régulièrement rapport de son application. Par ailleurs, les organisations syndicales et patronales peuvent introduire des plaintes. Avec l’aide du BIT, ces rapports et ces plaintes sont examinés par une Commission d’Experts, dont le rapport est soumis aux Conférences annuelles de l’OIT.


Comme ceux des autres années, le rapport 2011 est un très épais document de 942 pages en petits caractères serrés, traitant de centaines de cas violations des normes, parfois aussi de bonnes pratiques, ou de progrès accomplis par les Etats membres. Les experts produisent aussi une étude d’ensemble relative à une catégorie particulière de normes. Cette année, comme nous en avons parlé ailleurs sur ce blog, l’étude d’ensemble concernait la sécurité sociale.

La Commission de l’application des Normes a pour mission de préparer les débats de la Conférence sur le rapport des experts. Comme les autres commissions de la conférence, et comme la conférence elle-même, elle est tripartite, comportant une délégation des employeurs, des travailleurs et des gouvernements des Etats membres de l’OIT. La CSC a toujours beaucoup investi dans cette Commission, où Luc Cortebeeck, comme avant lui Willy Peirens et Jef Houthuys, est porte-parole du groupe des travailleurs. La plus grande partie de l’importante délégation que la CSC envoie chaque année à Genève est composée de collègues qui, dans les coulisses de la grande salle du Conseil d’Administration du BIT, prépare fiévreusement les cas soumis à la Commission.

Que ce soit à la Conférence ou à la Commission, il n’est évidemment pas question de discuter tous les cas recensés par les experts. Le premier travail est donc de sélectionner une petite trentaine de cas jugés emblématiques à un point de vue ou à un autre.

La liberté syndicale

Beaucoup de ces cas concernent les deux conventions fondamentales de l’OIT : la n° 87 sur la liberté syndicale, qui date de 1948, et la n° 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective, qui date de 1949. Ces Conventions font partie du « noyau dur » des normes de l’OIT : c’est leur respect qui conditionne finalement celui de toutes les autres. Elles s’imposent comme un élément de l’ordre public social international, indépendamment même de leur ratification par les Etats membres. Il n’empêche que pour être justiciables du contrôle de l’OIT, les Etats doivent avoir ratifié ces Conventions, ce qui constitue au moins un geste dans la bonne direction. Mais il y a souvent loin de l’affirmation de principe à la mise en pratique. Les cas sélectionnés peuvent concerner des pratiques qui empêchent le développement des syndicats libres, depuis les tracasseries administratives et les discriminations diverses, jusqu’à des cas gravissimes de tortures et d’assassinats commis par ou avec la complicité des forces de l’ordre. Il peut s’agir aussi de législations non conformes aux normes de l’OIT. Il faut bien dire que les Etats épinglés pour ces problèmes sont très souvent des « abonnés ». On ne peut qu’espérer qu’à force de taper sur le clou, il finira par s’enfoncer. On notera tout de même que deux des Etats évoqués en 2011 –la Serbie et laTurquie- sont candidats à l’adhésion à l’Union européenne.

L'austérité en Grèce

Un cas qui peut nous interpeller est l’application par la Grèce de la Convention n°98, dans le contexte des mesures d’économie décidées en 2010 dans le cadre des négociations que ce pays a dû mener avec le FMI et les pays de la zone euro en vue de sauver ses finances publiques. Ce cas touche à des questions qui sont au cœur de beaucoupde discussions partout en Europe, y compris en Belgique : comment concilier austérité et justice sociale ? quel est le rôle des instances financières internationales dans la définition d’un programme d’austérité ? peut-on, sous prétexte de crise économique, transgresser les normes sociales internationales ? Le rapport des experts, comme la Commission de l’application des normes, ont abordé cette question par ce qui peut être considéré comme le petit bout de la lorgnette, à savoir le respect de la concertation sociale. Il n’a pas encore abordé, à ce stade, le fond des questions, par exemple la légitimité des réductions de salaires imposées dans la fonction publique ou les restrictions en matière de pension. Les débats à la Commission n’ont pas tourné à une condamnation de la Grèce, mais au contraire à une offre, acceptée volontiers par le gouvernement, d’une aide technique du BIT en vue de l’assister dans sa situation difficile, et donc, indirectement, dans les négociations ardues qui l’attendent encore avec ses créanciers et ses partenaires de la zone euro.

Travail des enfants, travail forcé

La Convention n° 182 sur le travail des enfants fait également partie des normes fondamentales de l’OIT. Cette année, l’Ouzbékistan a dû répondre de l’application de cette convention en raison du travail forcé des enfants dans les champs de coton,et le Paraguay en raison de cas d’exploitation de la prostitution enfantine.

Autre norme fondamentale, la Convention n°29 sur le travail forcé. Cette année, le Congo a dû s’expliquer sur le maintien dans sa législation de systèmes d’embrigadement dans des activités « civiques » par le régime Mobutu, tandis que le Japon est interpellé depuis plusieurs années sur l’indemnisation de femmes, coréennes ou japonaises, utilisées pendant la deuxième guerre mondiale comme « femmes de réconfort » pour les « besoins » de l’armée.

L'interdiction de l'amiante au Canada

En ce qui concerne les normes plus techniques, un débat intéressant a été introduit par les syndicats canadiens au sujet de l’interdiction de l’amiante. L’utilisation de l’amiante a été longtemps promue, notamment dans un but de prévention des incendies. Mais ce matériau est dangereux pour la santé humaine car, inhalé, il peut provoquer des lésions aux poumons, y compris des cancers. La plupart des pays européens, dont la Belgique, en ont totalement interdit l’utilisation. Tel n’est pas le cas du Canada. Il faut préciser que le Québec est un lieu de production de l’amiante, où les mines occupent quelques centaines de travailleurs.
La convention de l’OIT en la matière, qui date de 1986, interdit l’utilisation d’une des variétés de l’amiante, dite « amiante bleu ». L’amiante produit au Canada, principalement l’amiante « blanc », n’est pas visé par cette interdiction. La Convention impose cependant de prendre toutes les mesures de précaution pour éviter les risques provoqués par l’amiante. Les syndicats canadiens soutiennent en substance que la seule mesure de prévention vraiment efficace est d’interdire purement et simplement ce produit, ce qui est aussi la position la plupart des Etats européens. Par ailleurs, ils reprochent au gouvernement de n’avoir pas concerté sa politique en la matière.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire