mardi 5 juin 2012

Une journée noire pour l’OIT

Les employeurs sabordent la discussion sur les cas graves de violation des droits des travailleurs

Depuis 1926, la Commission des normes veille à l’application des conventions internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT). Au sein de cette commission, les gouvernements, les employeurs et les travailleurs discutent des cas graves de violation des droits des travailleurs[1]. En plus de 80 ans d’histoire, il n’était jamais arrivé qu’aucun accord ne puisse être trouvé au sein de la Commission des normes, sorte de tribunal du travail à l’échelle mondiale, sur la liste de violations des droits des travailleurs à discuter au sein de la commission. C’est arrivé hier soir, pour la première fois. Le groupe des employeurs a sabordé la concertation. Une première bien triste, qui remet en cause les droits fondamentaux des travailleurs partout dans le monde.

Le choix des cas qui sont discutés est basé sur le rapport de la commission des experts de l’OIT. Dans ce rapport, ces experts, indépendants, décrivent et commentent la situation des droits des travailleurs dans des pays comme la Colombie, l’Egypte, la Birmanie, la Grèce, … Ces experts sont des juristes de renommée internationale. Ils travaillent sur la base des informations fournies par les gouvernements, les employeurs et les travailleurs.

Chaque année, la commission des experts publie aussi une « Etude d’Ensemble », étude qui contient une évaluation juridique et pratique des conventions de l’OIT. Cette année, l’ « Etude d’Ensemble » portait sur les 8 conventions fondamentales de l’OIT sur la justice sociale[2]. Dans cette analyse, les experts confirment leur analyse sur la relation entre le droit de grève et l’application de la convention 87 sur la liberté syndicale et la négociation collective.

Cette analyse a soulevé un très grand mécontentement de la part du groupe des employeurs au sein de la commission des normes. Suite à leur désaccord tant sur l’initiative et le droit des experts à donner une interprétation du droit de grève que sur le contenu de l’interprétation, les représentants des employeurs ont pris en otage le fonctionnement de la Commission des normes. Les employeurs exigeaient que les travailleurs prennent distance vis-à-vis du rapport des experts et qu’ils se rallient ainsi aux critiques des employeurs sur ce rapport. Ce n’est qu’à condition que les travailleurs respectent la volonté unilatérale des employeurs que ces mêmes employeurs acceptaient de discuter de la composition d’une liste de cas de violation des droits des travailleurs en vue de la discussion ultérieure au niveau de la Commission des normes. En outre, les employeurs exigeaient que la liste ne contienne aucun cas en rapport avec la violation du droit de grève.

Cette prise en otage était inacceptable pour le groupe des travailleurs au sein de la commission des normes. Il ne revient en aucun cas aux employeurs, pas plus qu’aux travailleurs, d’émettre une telle réserve par rapport au travail des experts. Cette position a d’ailleurs été confirmée par bon nombre de représentants des gouvernements. L’attitude incompréhensible des employeurs a créé une véritable impasse au sein de la Commission des normes. Un point de non-retour a été atteint hier lorsque les employeurs se sont enfermés dans cette position totalement irrationnelle.

Les employeurs prennent ainsi en otage tous ceux qui souffrent de la violation des droits des travailleurs dans leur pays. Au travers du sabotage des mécanismes de contrôle de l’OIT par les employeurs, les droits des travailleurs sont mis en danger partout dans le monde. Les employeurs portent la responsabilité pleine et entière de cette situation inacceptable. Le groupe des travailleurs au sein de la Commission des normes ne peut pas accepter que la crédibilité et l’autorité de l’OIT soient mises en péril par ce comportement incompréhensible des employeurs. Les travailleurs continueront à défendre leurs droits fondamentaux avec davantage encore de conviction et de détermination. Le rapport de la Confédération syndicale internationale (CSI) qui paraît demain confirmera que cette défense est plus nécessaire que jamais.
 
Marie-Ange Foret
Service Presse CSC

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